Brexit, la fin de l’utopie européenne

Dans les années 1960, le Royaume-Uni fait du pied à l’Union Européenne. Certains, comme notre bon général De Gaulle, y voient une tentative d’intrusion des États-Unis en Europe. Mais l’argument avancé par nos British voisins est bel et bien un argument économique. Le Royaume-Uni y voit une opportunité économique liée à l’augmentation de ses exportations: l’UE deviendrait ainsi un marché de choix et, pour la première fois dans toute l’histoire de notre continent, Anglais et Européens commerceraient.

Vous y croyez ? Nah ! En réalité le Royaume-Uni commerce avec le reste du continent depuis avant la naissance de votre arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand père. Et même depuis la naissance de l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père de votre arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand père. Et même, plus encore.

A long time ago, in a galaxy far, far away

La première trace évidente d’échanges commerciaux date de l’an -1000 (à une vache près, vous pardonnerez l’approximation). Cette date correspond à la fin de l’Age du Bronze et au début de l’Age du Fer, où le commerce éclate dans les places fortes du monde, et particulièrement en Europe. On sait qu’à cette époque, l’actuelle Angleterre et l’actuelle Bretagne française faisaient office de porte entre l’Europe continentale et l’Irlande.

Il est bien évident que les routes commerciales d’il y a 3 000 ans n’ont pas grand chose à voir avec la complexité de l’Union Européenne actuelle, mais elles ont le mérite de replacer notre vieux continent dans un contexte qu’il semble parfois oublier.

Le début de l’Age de Fer groupe même parfois certaines zones géographiques, et devinez-quoi ? Ces regroupements coupent la France en petits morceaux: certains rattachés à l’Italie et la Croatie, d’autres rattachés à l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche, et, vous l’aurez deviné, la partie nord du pays rattachée à l’actuel Royaume-Uni, la Belgique et le Portugal.

Bien sûr, ce sont des constructions de l’esprit, car il est difficile de savoir avec précision comment chacun voyait son voisin si longtemps en arrière. Il semble toutefois que les connaissances et les produits aient plutôt bien circulé, à cette époque.

Ainsi arrive l’ogre Romain.

Vas spirituale, Vas honorabile, Vas insigne devotionis

L’Empire Romain s’engage dans une campagne de conquêtes et annexe tour à tour de nombreuses zones de notre continent. Britannia n’échappe pas à la règle, et devient même la vitrine de la réussite Romaine: la terre la plus éloignée annexée par l’Empire.

Bon, clairement, à Rome, tout le monde s’en cogne, mais sur le papier c’est quand même hyper classe. Lorsque l’Empire Romain décide que dorénavant, ce bout de terre sera sa maison de campagne, les terres britanniques sont principalement occupées par des peuples celtes. Les Romains prennent leur petit bateau de pêche et débarquent sur les côtes bretonnes en -55. L’armée romaine rencontre de la résistance mais parvient à se défaire des premières troupes bretonnes qui l’attendent.

Les Bretons, conscients de leur infériorité, capitulent, mais attaquent César dans le dos à la première occasion. Une fois de plus, ils sont repoussés. Dans un dernier espoir de défendre leur terre, les Bretons rassemblent une énorme armée et, poussés par l’énergie du cosmos digne des plus grands héros de mangas, ils… se font massacrer.

Pourtant, la campagne de César est un échec. Il reste les pieds dans le sable et repart chez mémé. Rome est un peu vexée.

Et quand Rome est vexée, Rome pas contente.

Autant dire qu’il ne fait pas bon être soldat breton lorsque César décide, l’année suivante, de revenir avec toute son armée. L’invasion Romaine dure environ 200 ans, avec des hauts et des bas pour l’Empire.

Ainsi est bâti le Mur.

Winter is coming

Pour ceux d’entre vous qui l’ignorent, le “Wall” de Game of Thrones existe bel et bien. Il est en pierre, ne fait que 6 mètres de haut et s’appelle le “Mur d’Hadrien”. Mais il traverse quand même l’Angleterre d’Est en Ouest sur 117km, contient 80 tours de défense principales, et sert à protéger la populace des sauvageons.

Ce mur a été construit à l’époque de l’Empereur Romain Hadrien, pour protéger Britannia (alors sous le joug de Rome) des peuples barbares de l’Écosse: les Pictes.

Vous la voyez, la ressemblance ?

Si je parle de ce mur, ce n’est pas par hasard. Les îles britanniques ont pendant longtemps connu des conflits, entre seigneurs locaux, barbares et Empire Romain. Le Mur est finalement une métaphore qui, déjà, caractérisait un clivage profondément ancré dans la culture des peuples bretons.

Les garçons et Guillaume à table

La Grande-Bretagne, dont les peuples locaux conservent une culture celtique, est envahie de toutes parts par les Angles, les Saxons et les Vikings, conduisant à la déroute de l’Empire Romain en Britannia.

Quelques siècles plus tard, c’est le fameux Guillaume le Conquérant, Normand de son état, qui se lance à la conquête de l’Angleterre et en devient le King.

Côté Écossais, c’est le bordel: aux traditionnels peuples celtiques (Pictes, Bretons, Scots) s’ajoutent désormais les peuples nordiques, installés depuis les invasions Vikings. Au Moyen-Age, la France, l’Écosse et la Norvège établissent même un traité commun contre… l’Angleterre. Ce traité de défense mutuelle assure qu’en cas d’attaque Anglaise, ces trois pays s’uniraient contre l’ennemi commun. C’est d’ailleurs ce traité qui poussera l’Écosse à défendre la France contre l’Angleterre lors de la guerre de Cent Ans.

En Irlande, la situation est assez similaire: les Vikings colonisent une grande partie de l’île, et fondent même la ville de Dublin. Ils sont finalement envahis par les Normands peu après la conquête de l’Angleterre, malgré une farouche résistance.

Quant au pays de Galles, il subit la tentative d’invasion des Saxons au 8ème siècle, mais parvient à la repousser. Le Roi Saxon de l’époque, Offa de Mercie, construit même un mur en terre pour délimiter son pays de la province rebelle Galloise. Quelques siècles plus tard, lorsque Guillaume le Conquérant Normand envahit l’Angleterre et l’Irlande, les Normands poursuivent la tentative d’invasion du Pays de Galles commencée par les Saxons. Ils mettront deux siècles à vaincre le dernier prince de Galles.

Après cette victoire, il faudra encore près de 3 siècles pour que le pays de Galles ne soit officiellement annexé à l’Angleterre.

We all live in a yellow submarine ! (yellow submarine, yellow submarine)

  • 1535 : le pays de Galles est annexé à l’Angleterre
  • 1707 : l’Écosse est annexée à l’Angleterre, formant le “Royaume de Grande-Bretagne”
  • 1800 : l’Irlande est annexée à l’Angleterre, formant le “Royaume de Grande-Bretagne et d’Irlande”

Nous y sommes. Le Royaume-Uni est uni, après près de 2 millénaires d’invasions, de guerres régulières et de murs érigés.

A la fin du 19ème siècle, les nationalistes irlandais sont partagés: certains souhaitent une autonomie vis-à-vis du Royaume-Uni, d’autres demandent directement l’indépendance. La “Home Rule”, c’est-à-dire l’autonomie, est finalement accordée à l’aube de la Première Guerre Mondiale. Cette mesure déclenche une crise politique majeure: indépendantistes et unionistes s’opposent ouvertement, et forment des corps militaires de part et d’autre.

Le début de la guerre mondiale retarde l’échéance… pendant 2 ans. C’est il y a 100 ans, en 1916, qu’a lieu l’insurrection de Pâques. Malgré un nombre de morts importants (environ 400) et une tentative de se faire armer par l’Empire Allemand (au beau milieu de la guerre), l’insurrection est un échec. L’Irlande reste unie au Royaume.

C’est par la voie diplomatique, en 1918, que les électeurs irlandais montrent leur mécontentement. Le Sinn Féin, parti indépendantiste encore actif aujourd’hui, obtient une écrasante majorité de votes, sauf dans la province nord de l’Irlande, l’Ulster. Ils affirment leur volonté d’indépendance en créant un parlement irlandais, qui créera lui-même une armée, la “Irish Republican Army” (IRA), sorte d’héritière de l’armée insurrectionnelle de 1916. Souhaitant déclencher une guerre, quelques membres de l’IRA abattent de sang froid deux officiers britanniques d’Irlande. C’est le début de la guerre d’indépendance.

Jusqu’en 1920, cette guerre n’en est pas vraiment une. Malgré quelques violences pas vraiment du goût de la population, les Irlandais créent leur propre état et ignorent les britanniques et leur gouvernement. Au fil des jours, la situation progresse: les Irlandais sont encouragés à verser l’impôt à leur nouveau gouvernement, et la politique locale menée par Sinn Féin facilite le blocage vis-à-vis du gouvernement britannique.

Rapidement, la République d’Irlande naît d’elle-même.

Malgré des discussions prometteuses en 1920, l’année 1921 voit la violence du conflit éclater. Des corps paramilitaires britanniques s’opposent à l’IRA, et de nombreuses fusillades éclatent au milieu de la population civile. En 6 mois, on dénombre environ 1000 morts.

La signature de la trêve en 1921 puis du traité de 1922 scelle le futur de la région: l’Irlande est divisée en deux parties. Le nord reste affilié au Royaume-Uni, et le sud devient une République d’Irlande indépendante.

Deux réalités

Si je passe en revue quelques moments de l’Histoire, et que je prends le risque d’offusquer les spécialistes de par mes approximations et mes raccourcis, c’est bien sûr pour montrer une réalité qui a refait surface très récemment: le Royaume-Uni à lui seul est déjà un ensemble plein de contradictions, de divergences et de cultures différentes. Le Brexit n’est que le résultat de cet ensemble hétérogène qui peine à trouver une place et une identité.

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde pluriel, où les peuples se déplacent sans difficulté, où les cultures, les pratiques et les informations circulent à toute allure. Cette mondialisation, en constante évolution depuis l’après-guerre et le retour d’une certaine stabilité des grandes puissances occidentales, a repoussé les limites du visible, créant du même coup deux réalités qui s’opposent.

La première est une réalité effrayante. La mondialisation a montré à des peuples qu’ils n’étaient pas seuls dans leur quartier, et que de nouveaux voisins un peu étranges étaient installés depuis bien longtemps à quelques pâtés de maisons.

Mais pour eux, cette mondialisation atteint aujourd’hui ses limites, et ce qui nous apparaissait comme un horizon lointain devient maintenant une certitude terrifiante. Nos voisins viennent de loin, de partout, ce ne sont plus vraiment nos voisins. Comme à l’époque des invasions Romaines, Vikings, Saxonnes ou Normandes, les étrangers viennent chez nous, et ils nous dépossèdent de notre identité, de ce qui fait l’unité de notre terre, de notre peuple et de notre culture. C’est une réalité effrayante qui touche les populations occidentales, celles-là même qui, des siècles durant, ont été aux commandes d’invasions, de guerres et de conquêtes. Le nationalisme monte dans plusieurs pays, et ce n’est même plus un nationalisme cohérent: c’est un protectionnisme délirant qui veut fermer les yeux sur la réalité du monde mobile dans lequel nous vivons, un monde dans lequel la France, le Chili, la Thaïlande et le Soudan ne sont plus si éloignés les uns des autres.

Les intérêts de la nation perdent de leur sens face aux absurdités du monde: comment continuer à aller acheter sa baguette de pain tous les matins lorsqu’ailleurs, au même instant, un enfant meurt de faim ? La réponse la plus humaine qui soit n’est pas l’entraide, c’est le protectionnisme. J’ai peur de l’autre, j’ai peur de cette réalité que je ne maîtrise pas, qui entre en contradiction avec mon mode de vie, qui remet en question tout ce qui fonde mon quotidien, ma culture et mon identité. Alors je ferme les yeux, je me replie sur moi-même et je me persuade qu’après tout, je suis moi et que c’est tout ce qui compte.

Cette vision du monde est particulièrement présente chez les personnes âgées, qui pour certaines ne comprennent tout simplement plus comment le monde peut évoluer aussi vite. La peur. La peur de l’autre, la peur de l’inconnu, la peur du changement, la peur de l’incontrôlable.

Le protectionnisme, le nationalisme, le repli sur soi-même. Ce sont des chimères qui voudraient nous faire croire que nous pouvons vivre mieux, en ignorant le monde. C’est faux.

L’autre réalité est, vous vous en doutez, plus positive. L’étranger est mon ami. La pluralité du monde nous rend meilleurs. L’union fait la force. La mondialisation apparait alors comme une chance incroyable, celle de l’entraide des peuples, des projets communs, d’une justice pour tous et d’un ordre mondial équilibré qui donnerait à manger à tous les enfants humains. Naïf, n’est-ce pas ? Le repli s’oppose logiquement à l’ouverture: je m’ouvre aux autres pour apprendre d’eux, pour échanger et partager. Naïf car plein de failles et de limites.

Comment, depuis ma chaise de bureau, pourrais-je m’assurer que chaque petit enfant sur Terre aura un bout de pain aujourd’hui ? Est-ce la politique ? Dois-je prendre mes valises et aller sur place pour faire la cuisine ? Comment puis-je être utile dans un monde beaucoup trop rapide pour moi ? Comment puis-je faire face à la réalité ?

Je suis contre le terrorisme, la famine et les dictatures. Je suis pour l’éducation, la connaissance pour tous et le partage des richesses. Je suis plein de bonnes intentions, mais je ne fais rien, parce que je ne sais pas quoi faire. Et tous les matins, je vois un vieil homme sans abri en bas de chez moi, à qui je ne parle pas.

Là où le protectionnisme est une chimère, la mondialisation positive est un mirage que l’on utilise pour se donner bonne conscience. Après tout, je suis contre la faim dans le monde, c’est déjà bien.

In varietate concordia

Venons en finalement au sujet qui nous intéresse: le Brexit. Il a clairement divisé le Royaume-Uni. Que ce soit en terme de préférence politique, de classe sociale, d’âge ou de localisation géographique, les divisions sont multiples. Les deux visions du monde globalisé, et toutes leurs variations, se sont confrontées et ont vu une naïve utopie opposée à une phobie pragmatique.

L’Union Européenne est avant tout une tentative d’unir des peuples qui se sont longtemps tapé dessus. En cela elle est une réussite. Mais le spectre de la Deuxième Guerre Mondiale s’éloigne petit à petit, et il finit par s’estomper devant une réalité brutale: l’économie, l’emploi, la finance, les dettes. Le désordre économique mondial nous ramène à une vision pragmatique de la situation: comment l’Union Européenne peut-elle gérer équitablement ses 28 états membres alors que dans sa globalité, elle peine déjà à trouver une place dans le monde ? La menace d’une frappe nucléaire pèse bien peu face aux files d’attente de Pôle Emploi.

Allons même plus loin: l’Union Européenne n’est qu’un pion parmi d’autres. Zone Euro, Espace Schengen, Espace Économique Européen, Union Douanière Européenne, Association Européenne de libre-échange, Conseil de l’Europe. Les briques européennes s’empilent et dressent un mur totalement opaque pour la population, qui ne comprend même plus ce qu’elle fait en Europe.

Qui dirige ? Qui prend les décisions ? Quel est le poids de chaque pays dans les décisions européennes ? Les décisions européennes prévalent-elles sur les décisions nationales ? Les populations européennes ne comprennent pas que leurs dirigeants n’apportent pas de solutions pratiques, concrètes et pragmatiques à leurs problèmes quotidiens. Que font-elles ? Elles se tournent vers ceux qui remettent en cause, ceux qui prônent les deux réalités extrêmes de la mondialisation et pointent du doigt l’Union Européenne et ses groupes parallèles, en les tenant pour responsables.

  • D’un côté: quittons l’Europe, notre pays ne pourra s’en sortir que par ses propres moyens.
  • De l’autre: davantage d’Europe, unissons-nous toujours plus pour faire face aux difficultés.

Malheureusement ni l’un ni l’autre n’apporte aujourd’hui la solution. Comment changer l’Europe en passant par l’Europe ? La solution ne serait-elle pas de repartir de zéro ?

Goodbye England

Le Brexit matérialise cette question épineuse, il ne s’agit pas d’opposer ceux qui veulent rester et ceux qui veulent sortir de l’Europe. Il s’agit de comprendre que personne n’a de solution, aujourd’hui. Les deux camps ont bien du mal à défendre leur point de vue, tant et si bien qu’aucun des deux choix n’offre de perspectives intéressantes.

A mon sens, on pourrait presque dire que le Brexit n’est pas la question de savoir si le Royaume-Uni doit quitter l’Europe ou y rester. La question est de mesurer l’étendue des différences qui opposent une partie du Royaume-Uni à une autre, et à travers ce prisme, de mesurer l’échec des politiques protectionnistes ET des politiques unionistes. En clair: l’échec des politiques européennes.

Si le Royaume-Uni sort effectivement de l’UE, la procédure prendra au moins deux ans, car pour sortir de l’Europe, il faut suivre une procédure de sortie prévue par l’Europe elle-même. Les chimères qui ont poussé une partie de la population à voter pour la sortie de l’UE seront vite remplacées par des réalités plus importantes: que faire de l’Irlande et de l’Écosse, qui a majoritairement voté pour le maintien dans l’UE ? Quelle politique appliquer, alors que la survie d’une nation occidentale n’est aujourd’hui possible qu’à travers ses interactions avec d’autres pays ?

La sortie de l’UE ne va vraisemblablement rien améliorer au Royaume-Uni, et malgré les tentatives de récupération politiques de certains mouvements nationalistes européens, on peut espérer que cela dissuadera les populations d’autres pays de prendre le même chemin.

Qui sait, peut-être que cette voie sans issue nous ouvrira les yeux sur l’urgence de changer nos pratiques, notre mode de vie ?

Terre et Fondation

Pour conclure, j’aimerais vous écrire quelques lignes rapportées d’un discours d’Isaac Asimov datant de 1989, qui malgré sa dégaine de prof de lettres fut au siècle dernier le père fondateur de la science-fiction moderne, et un scientifique de formation. Il fut également visionnaire, et je vous invite à vous renseigner sur les prédictions d’Asimov de 1964, où il imaginait le monde de 2014, vous verrez que si certaines sont assez loin de notre réalité, la majorité de ses prédictions semblent décrire littéralement notre quotidien. Asimov fut avant tout humaniste, et ce discours de 1989 montre ce qui, d’après lui, constitue le challenge de l’humanité pour les années à venir:

“Nous faisons face à des problèmes qui transcendent les nations. Quand nous parlons d’effet de serre, nous parlons de quelque chose qui affecte la planète entière, pour le pire. Si la population augmente au point que nous détruisons les ressources de la Terre, peu importe quelle nation sera la plus peuplée, nous l’aurons tous dans le baba [NDLR: le mot original était “in the neck”, mais “dans le baba” est selon moi une traduction honnête]. Si nous avons une guerre nucléaire qui produit un hiver nucléaire, peu importe qui aura commencé la guerre, ou sur qui les bombes étaient lancées. Vous pouvez parcourir la liste des dangers qui menacent l’humanité, et leur point commun est justement qu’ils menacent toute l’humanité, et non pas une section de l’humanité.

S’il y a quelque chose de biologiquement certain à propos de l’espèce humaine, c’est qu’il s’agit d’une seule et même espèce humaine. Nos ressemblances sont énormes, nos différences triviales. Nos problèmes sont des problèmes de vie et de mort, et vont jusqu’aux racines de la viabilité de notre planète. Pour résoudre ces problèmes, pour s’assurer que nos descendants pourront simplement vivre, nous ne pouvons pas croire que cela puisse se faire par l’intermédiaire de nations individuelles.

La seule manière de résoudre ces problèmes, c’est de passer par une solution humaine, une solution internationale, une solution coopérative. Il est important que le monde se rassemble et soit suffisamment uni pour faire face aux problèmes qui nous attaquent tous: les problèmes avec l’océan, l’atmosphère, les sols, la population, la pollution et tout le reste. Ces problèmes ne font pas la différence entre chacun de nous, comment pourrions-nous faire de différence entre nous-mêmes ? Il doit y avoir un moyen de nous unir, et de choisir non pas qui décidera, mais ce que toute l’humanité décidera pour elle-même.

Nous avons besoin d’une sorte de gouvernement fédéral mondial, et le seul problème est: comment pouvons-nous y parvenir ? Il y a deux manières de faire: la carotte et le bâton. Ce n’est rien de nouveau.

Le bâton, c’est la peur du danger, la peur de destruction. Et ça marche, même très bien ! La Guerre Froide a duré pendant 40 ans, avec des hauts et des bas. Nous seulement les USA ne sont pas entré en guerre contre l’Union Soviétique, mais ils n’ont même pas coupé les relations commerciales. En d’autres mots: non seulement nous n’osons pas nous battre, mais nous n’osons même pas arrêter de nous parler. C’est une bonne chose, car il n’y a aucune autre issue. Peu importe qui frappe qui, une action détruirait la planète. Bien sûr, dans ce contexte, les nations coopèrent, souvent bien plus qu’elles ne l’admettent. Le bâton nous pousse à coopérer.

Après la Guerre d’Indépendance, il existait quelque chose appelée “les États-Unis d’Amérique”, mais c’était faux: tous les états étaient virtuellement indépendants. Il y avait un congrès, mais sans pouvoir, il ne pouvait même pas gérer les impôts. C’était une version réduite de l’Organisation des Nations Unies, sans pouvoir.

Comme ils avaient peur des conséquences du désordre, peur d’être ramassés par les différentes puissances Européennes et entrer en guerre les uns contre les autres, les états ont conçu la Constitution par laquelle ils abandonnèrent une partie de leur souveraineté, au profit d’un gouvernement fédéral. Et les gens ont voté pour cela, et ont véritablement formé les États-Unis d’Amérique.

C’était le bâton, la peur de la destruction. Mais où est la carotte ?

La carotte arrive après la Guerre de Sécession: on pourrait s’attendre à un terrorisme constant dans une situation comme celle-ci, exactement comme dans le conflit opposant le nord et le sud de l’Irlande. Mais non, il y a eu une guérison, et les États-Unis sont devenus unis à nouveau, c’est l’effet de la carotte. Car immédiatement après la Guerre de Sécession est arrivée la conquête de l’ouest, où les états ont créé de nouveaux états, et n’importe qui de n’importe quel état est allé n’importe où dans l’ouest, de sorte que lorsque l’ouest s’est développé, il a consisté en un regroupement de gens venant de plusieurs états et nations. Les États-Unis ont trouvé leur unité dans un projet gigantesque qui a inclus tous les états, et qui a rendu les différences entre les états insignifiantes. Ce n’était pas volontaire, mais c’est arrivé: nous avons eu la carotte.

Aujourd’hui, nous avons besoin d’une carotte. Nous avons besoin d’un projet si immense qu’il ne pourrait être mené que par toutes les nations du monde, donnant le meilleur de leurs capacités, et que leurs populations soient contentes de mener ce projet. Quelque chose qui créerait quelque chose dont tout le monde pourrait bénéficier. Et pour moi, le seul candidat à cela, c’est l’effort de l’exploration spatiale. Si nous pouvons construire des stations spatiales, bâtir des stations de minage sur la lune, des stations énergétiques dans l’espace ou utiliser de l’énergie directement depuis le soleil, nous aurions enfin de l’énergie libre de toute géographie. Nous n’aurions pas de charbon qui existe dans certains pays et pas dans d’autres, de pétrole dont certaines nations sont riches et d’autres pauvres, et ainsi de suite. Nous aurions une énergie venant de l’espace et à laquelle tout le monde aurait contribué, et qui bénéficierait à tout le monde de manière égale. L’espace serait équitablement accessible depuis tous les endroits de la Terre, et l’énergie que nous produirions reviendrait équitablement à tous les endroits de la Terre. De plus, si nous avions des stations énergétiques dans l’espace, elles nécessiteraient, j’en suis sûr, une maintenance constante, une préoccupation constante et un travail si important qu’il deviendrait nécessaire d’avoir un pied-à-terre dans l’espace.

N’importe quelle distraction sur Terre, n’importe quoi qui empêcherait la Terre de se concentrer sur l’espace, mettrait en danger l’approvisionnement énergétique de toute la Terre. En d’autres mots, tout le monde gagnerait à maintenir un ordre mondial stable, car seulement ainsi l’approvisionnement énergétique de chacun pourrait demeurer stable. Nous aurions alors la carotte. Un énorme projet bénéfique à tous, qui nous enlèverait à nos préoccupations, qui nous donnerait quelque chose que nous ne pourrions avoir autrement, une sorte de prospérité et de paix que nous n’avons encore jamais connus. Et en voyant plus grand, nous pourrions oublier ces petites divisions qui nous ont fait souffrir pendant si longtemps.

Je ne suis pas plus idéaliste que n’importe qui, je ne dis pas que tous les humains vont se mettre à tous s’aimer si fort qu’il vont fonder “Utopia”, non. Je dis juste que si les humains ont une forme de santé mentale, au moins assez pour avoir peur des conséquences de ne pas aller dans cette direction, et au moins assez pour espérer aller dans cette direction, alors ils iront dans cette direction. Mais je ne peux pas garantir que l’espèce humaine aura une santé mentale suffisante, et si ce n’est pas le cas, alors nous nous détruirons probablement nous-mêmes. Nous détruirons certainement nos civilisations, mais nous risquons même de nous détruire en tant qu’espèce. Et qui va empêcher cela ? Qui va mener l’humanité dans la bonne direction ? Beaucoup de gens je l’espère, mais je suis certain que parmi eux, il y aura des humanistes, car par leur simple nom, ils célèbrent l’humanité. Ils veulent que l’humanité survive et ils savent que si elle survit, ce sera par ses propres efforts. Jamais nous ne pouvons nous asseoir et attendre qu’un miracle ne nous sauve. Les miracles ne surviennent jamais. La transpiration survient. Les efforts surviennent. Les pensées surviennent. Et il ne tient qu’à nous d’aider à ce que tout cela survienne.”


Twitter: @andros_oria

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